Perspective d’expertes en matière de financement pour les femmes entrepreneures

Toutes les entreprises au Canada et dans le monde ont subi les répercussions de la COVID, mais certaines en on ressenti les effets plus fortement que d’autres. Des travaux de recherche et des consultations menés récemment par le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat (PCFE) ont démontré que les déficits structurels auxquels sont confrontées les femmes entrepreneures ont été exacerbés par la COVID, tandis que de nombreux programmes conçus pour soutenir la reprise ne répondent pas à leurs besoins.

Pourtant, comme le souligne Armine Yalnizyan, qui exerce une fonction de conseil en tant qu’Atkinson Fellow on the Future of Workers, « Il ne peut pas y avoir de reprise sans une reprise concernant spécifiquement les femmes. »

Lors d’un récent webinaire organisé par le PCFE, des membres de plus d’une centaine d’organismes au Canada ont examiné les défis financiers spécifiques auxquels les femmes entrepreneures sont confrontées ainsi que des modèles innovants visant à leur permettre de relever ces défis. Selon Wendy Cukier, qui dirige l’initiative du PCFE, les femmes entrepreneures sont particulièrement vulnérables car leurs entreprises ont tendance à être concentrées dans le secteur des services, à être de taille plus modeste, à avoir un capital inférieur et à être plus récentes.

L’accès au capital demeure le principal défi que les femmes entrepreneures doivent relever, et, tandis que la COVID a renforcé le rôle important que joue le secteur financier dans la réussite des entreprises dirigées par des femmes, de nombreux obstacles préexistants ont été amplifiés. Les femmes, par exemple, dirigent 15,6 % des PME employant au moins une personne, mais elles représentent 38 % de l’ensemble des travailleurs et travailleuses autonomes au Canada.

De nombreux instruments et processus financiers existants sont mal adaptés aux cas des femmes entrepreneures, et ces problèmes sont exacerbés lorsque l’on considère les répercussions de la COVID sur les femmes entrepreneures autochtones, les femmes entrepreneures noires, les femmes entrepreneures racialisées, les femmes entrepreneures handicapées, et ayant des identités de genre et des orientations sexuelles différentes. Un article de Wendy Cukier publié récemment dans The Conversation examine ces questions de façon plus approfondie.

Le premier groupe de discussion a été animé par Ashley Richard, en tant que responsable de la communication et du développement de partenariats (Outreach and Partnership Development Lead) du PCFE spécialisée dans les initiatives concernant les personnes autochtones; il s’est intéressé à certains de ces déficits de financement.

Visionner les groupes de discussion

Inclusion financière : examen des déficits

Nadine Spencer, directrice générale de BrandEQ et présidente et directrice générale de la Black Business and Professional Association (BBPA) a débuté la discussion en soulignant : « Le racisme systémique ainsi que les préjugés sexistes sont présents depuis longtemps… Mais je pense qu’il est important que les investisseurs comprennent les subtilités qui distinguent nos groupes spécifiques. » Des travaux de recherche menés récemment par la BBPA ont confirmé que les propriétaires d’entreprise noirs ne reçoivent pas un soutien financier aussi important que les autres au Canada dans le cadre de la pandémie. Des générations de racisme systémique conduisent de nombreux entrepreneurs noirs à disposer de liquidités moindres en temps de crise, ce qui signifie que leurs entreprises sont exposées à un risque accru de fermeture définitive en raison de la COVID-19.

Magnolia Perron, agente des programmes consacrés aux femmes autochtones et aux jeunes au sein de l’ANSAF a indiqué que les institutions financières autochtones (IFA) avaient été établies à la fin des années 1980 par les dirigeants autochtones précisément pour résoudre les problèmes d’accès au capital que rencontraient les entrepreneurs autochtones, et qu’ils continuent à rencontrer aujourd’hui. Les IFA jouent un rôle important dans la résolution des problèmes de financement, et leur spécificité leur permet de répondre aux besoins des communautés auprès desquelles elles interviennent. Néanmoins, d’autres institutions financières chargées de jouer un rôle clé dans la reprise ne sont pas aussi accessibles. Magnolia Perron a suggéré que les critères pour les prêts aux entreprises soient réexaminés pour prendre en compte les réalités des femmes entrepreneures autochtones, qui peuvent exploiter de petites entreprises à temps partiel, ou qui sont dans l’incapacité d’utiliser des biens sur des terres de réserve à titre de garantie en vertu de la Loi sur les Indiens.

Jasmine Ali, agente de recherche chez Diversio a mis en avant la nécessité d’adopter une approche intersectionnelle afin de garantir que le système financier et les investisseurs apportent un soutien plus important à toutes les femmes entrepreneures. « Prendre position en faveur de l’égalité raciale signifie prendre position en faveur de l’égalité des genres et de toutes ces autres intersections dans le même temps. » Elle a souligné qu’il est important d’adopter une approche axée sur des données en matière de diversité et d’inclusion financière afin d’attirer et de retenir plus d’investisseurs noirs et autochtones qui ont une meilleure compréhension des entreprises dirigées par des entrepreneurs appartenant à des communautés marginalisées, ainsi que de mettre en place un meilleur suivi et une plus grande transparence concernant les personnes recevant des services.

Approches financières innovantes visant à combler les déficits

Shannon Pestun, nouvelle conseillère principale du PCFE concernant les services de financement et les services aux entreprises, a animé un groupe de discussion visant à examiner des approches de financement innovantes destinées aux femmes entrepreneures.

Jill Earthy, directrice générale du Women’s Enterprise Centre (WEC) de la C.-B. a décrit l’intérêt des approches adaptées aux femmes. Par exemple, le WEC propose aux femmes entrepreneures en Colombie-Britannique des prêts pouvant atteindre 150 000 $, et affiche un taux de remboursement de plus de 94 %. Lorsque l’épidémie de COVID-19 s’est installée, le WEC a fait la démarche proactive de demander à ses clientes quels étaient leurs besoins pour soutenir leurs entreprises. Suite à cela, il a différé les paiements et annulé les intérêts au plus fort de la crise. Il propose à présent de ne verser que les intérêts pendant les six prochains mois, le temps que les entreprises de ses clientes assurent leur reprise. Récemment, en partenariat avec VanCity, le WEC a également créé le programme intitulé Unity Women Entrepreneurs Program afin de permettre aux femmes entrepreneures de bénéficier de prêts assez conséquents selon des conditions favorables, et d’un accès simplifié à des services de soutien complémentaires. Ce modèle, consistant en un partenariat d’institutions financières traditionnelles et d’organismes axés sur les femmes disposant d’une grande expérience afin d’assurer le financement et le soutien de femmes entrepreneures, est un modèle qu’elle aimerait diffuser dans l’ensemble du pays.

Vicki Saunders, fondatrice de SheEO, a rappelé au groupe la nécessité d’instaurer de nouveaux modèles compte tenu des obstacles structurels majeurs auxquels les femmes sont confrontées : « Une part de 51 % de la population obtient 2,2 % du capital de risque dans le monde. Si vous êtes hispano-américaine, cela s’élève à 0,2 %, et si vous êtes une femme entrepreneure noire, cela s’élève à 0,006 %…Des inégalités structurelles majeures sont présentes dans tous nos systèmes. » SheEO a établi une communauté d’une grande générosité constituée de femmes dans le milieu entrepreneurial disposant de connexions étroites entre elles et avec les ressources dont elles ont besoin pour contribuer aux priorités actuelles à l’échelon international. SheEO continue à proposer un prêt à 0 % aux innovatrices sociales qui créent des entreprises qui construisent un monde meilleur. SheEO a également développé la pratique de Demandes/Dons par le biais de la nouvelle application PCFEH/FWE : Plateforme de partage afin de permettre aux femmes entrepreneures d’accéder à l’aide dont elles ont besoin.

Carly Wells, en charge d’ATB BoostR chez ATB Financial a décrit une plateforme innovante de financement participatif fondée sur un système de récompenses, qui donne aux femmes entrepreneures en Alberta la possibilité de mobiliser des capitaux pour leurs entreprises sans perdre de fonds propres. Le financement participatif fondé sur un système de récompenses permet aux entrepreneurs de tester leurs idées et de procéder à des préventes d’un produit, d’un service ou d’une expérience au public. Au cours de l’épidémie de COVID-19, la plateforme BoostR a été modifiée pour permettre aux propriétaires d’entreprise ne disposant pas d’une présence en ligne d’accéder à un marché en ligne pour procéder à la vente ou à la prévente de produits, de services ou d’expériences. Plus récemment, ATB a organisé un marché d’art autochtone qui a récolté plus de 15 000 $ en l’espace de quelques jours.

« Nous parlons d’une réalité qui n’est pas celle de tout le monde », a conclu Vicki Saunders. De nombreuses personnes croient que seules les entreprises financées en capital-risque ont une valeur importante. Vicki Saunders a expliqué qu’il est important de communiquer des données concernant les types d’entreprises que dirigent les femmes entrepreneures afin de mettre en avant leurs contributions au monde actuel, et de garantir que les programmes conçus pour les aider bénéficient à celles qui en ont le plus besoin.

PCFE/FWE : Plateforme de partage

L’écosystème de l’entrepreneuriat féminin met tout en œuvre pour répondre aux besoins des femmes entrepreneures qui sont exclues des systèmes de soutien aux entreprises traditionnels. Grâce à la Plateforme de partage, élaborée par le PCFE en collaboration avec le Forum for Women Entrepreneurs et mise en œuvre par SheEO, les femmes entrepreneures peuvent demander ce dont elles ont besoin. « Tout ce dont vous avez besoin est à votre disposition. Le plus difficile est d’oser demander, » a expliqué Vicki Saunders.

Si vous avez quelque chose à proposer qui peut aider d’autres personnes de l’écosystème, comme un service, votre expertise ou une nouvelle série de webinaires, publiez un message dans la partie Dons de la plateforme afin que les membres de l’écosystème puissent vous trouver.

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